Corruptions

CorruptionsPierre Lascoumes

Publisher Les Presses de Sciences Po

Overview: Face à la récente mobilisation contre la corruption, longtemps considérée comme un ” crime blanc ” (et n’appelant donc pas de réprobation sociale), deux problèmes se posent, remarque l’auteur, directeur de recherche au CNRS : finalement, en dépit des remous médiatiques, la corruption ne reste-t-elle pas socialement perçue comme sans véritable gravité ? Par ailleurs, les projets punitifs renvoient-ils à une volonté et à une capacité réelles des autorités politiques ? Pour y répondre, Pierre Lascoumes se propose d’élargir le champ habituellement réservé au problème de la corruption (souvent limité à son chapitre politique) en examinant les relations étroites et complexes qu’entretiennent la corruption politique, celle des fonctionnaires et celle pratiquée par les entreprises privées. Il circonscrit en revanche son objet aux phénomènes observables dans les sociétés démocratiques industrialisées – même si la frontière avec les pays en développement est évidemment poreuse.
Les acceptions du terme ” corruption ” sont nombreuses, et sont solidaires des différentes cultures politiques, chacune ayant ” produit son mode d’euphémisation, voire de déni de ces pratiques “. Insistant sur le flou qui accompagne la notion, ainsi que sur la facilité déroutante avec laquelle sont reçus les propos des acteurs impliqués visant à nier leur responsabilité, Pierre Lascoumes suggère qu’en France, la confiance en la justice et en la rationalité du pouvoir nous porte à postuler l’irresponsabilité a priori des dirigeants. Il examine longuement deux dossiers récents, afin de comprendre pourquoi l’un d’entre eux a abouti à un traitement social en termes de ” corruption ” (Agusta-Dassault) alors que l’autre y a échappé (Luchaire).
Il est d’ailleurs loisible de distinguer deux archétypes de luttes contre la corruption, que le chercheur développe et compare. Du côté américain, la pression idéologique du puritanisme a vite fait de la corruption un enjeu de réflexion et de réforme publique, même si l’absence de regard critique porté sur l’idéologie sous-tendant cette préoccupation ne permet pas de voir qu’il s’agit le plus souvent d’une lutte rhétorique. En France, il y a certes eu une rupture récente dans la culture de l’impunité de la corruption publique qui s’expliquait par la faiblesse du système démocratique, mais cette évolution ne peut occulter que ” les atteintes à la probité […] restent encore dans beaucoup de circonstances un illégalisme toléré ou discrètement géré “. L’auteur conclut en montrant que la corruption procède des conflits d’intérêt et des chevauchements entre deux légitimités, l’une économique, l’autre de type démocratique ; c’est d’ailleurs sous cet angle (sous une forme ” économico-morale “) que la régulation internationale se manifeste. –Benjamin Delannoy– — Futuribles